Ouvrir le robinet, sentir cette légère odeur « piscine »… Voici l’un des signes les plus courants de la désinfection de l’eau domestique. En France et dans de nombreux pays, le chlore est le traitement de référence pour garantir l’innocuité de l’eau potable. Pourtant, ce détail du quotidien soulève de nombreuses questions : pourquoi ajoute-t-on du chlore ? En quelles quantités ? Quels effets sur la santé et la qualité de l’eau ? D’où vient cette obligation ? Voici, en toute clarté, ce qu’il faut savoir.
Le chlore a été introduit en traitement de l’eau au tout début du XX siècle, après la prise de conscience du lien entre maladies hydriques et eau contaminée. Ce gaz simple a révolutionné l’accès à l’eau sûre, notamment en combattant le choléra, la typhoïde ou la dysenterie.
Grâce à ce traitement, les cas d’épidémies d’origine hydrique ont chuté de façon radicale. À titre d’exemple, la mortalité par typhoïde a quasiment disparu dans les grandes villes occidentales au cours du XX siècle (source : Institut Pasteur).
En France, les normes sont strictes. La réglementation fixe un taux maximum de 0,1 à 0,3 mg/L de chlore libre en sortie d’usine (Arrêté du 11 janvier 2007, ministère de la Santé). L’objectif : rester suffisamment bas pour limiter odeur et goût, tout en maintenant une efficacité sanitaire.
Quelques repères clés :
Cette faible dose suffit, car le chlore agit dès le traitement initial et protège l’eau tout au long du parcours jusqu’à la consommation. On estime qu’en France, plus de 90 % de l’eau potable est chlorée (source : Ministère de la Santé), même si certains réseaux locaux utilisent parfois d’autres méthodes (ozonation, UV) en appoint.
Le goût et l’odeur chlorés font souvent débat. Pourtant, les seuils retenus cherchent à éviter la gêne sensorielle pour la majorité des usagers. Plusieurs facteurs influent sur la perception du chlore :
Astuce simple : pour diminuer ce goût au robinet, remplir une carafe et laisser reposer l’eau 1 heure au réfrigérateur : le chlore, très volatil, s’évapore rapidement. Pour aller plus loin, des carafes filtrantes ou des filtres sous évier à base de charbon actif sont efficaces (attention à les entretenir selon les recommandations du fabricant).
La présence de chlore à faible dose ne présente aucun risque pour la santé selon l’OMS, l’ANSES ou Santé Publique France. Le seuil d’acceptabilité toxicologique est environ 100 fois supérieur à celui de nos réseaux. Les rares effets se rencontrent à des niveaux très supérieurs (piscines, surdosages accidentels), principalement sous forme d’irritations des muqueuses ou de l’odorat.
Attention toutefois : en réaction avec certains composés organiques présents dans l’eau brute (par exemple après de fortes pluies), le chlore peut former des sous-produits comme les trihalométhanes (THM). La réglementation française surveille strictement ces substances (maximum 100 μg/L pour les THM totaux), bien en-dessous de la plupart des seuils européens (source : ANSES, 2021). Les études à long terme n’ont pas montré de risque avéré aux niveaux mesurés en France, mais c’est un point de vigilance permanente.
Au quotidien, le passage du chlore dans la plomberie et les appareils électroménagers ne cause pas de détérioration significative aux doses présentes dans l’eau potable.
Petit point d’attention : le chlore a tendance à oxyder plus rapidement certains joints en caoutchouc mal adaptés (notamment dans de vieux appareils ou des installations industrielles plus anciennes). Si des fuites apparaissent régulièrement, vérifier la compatibilité des pièces de rechange avec l’eau chlorée peut être utile.
La France a fait le choix d’imposer une protection microbiologique continue de l’eau dès le captage, jusqu’au point de livraison. Pour répondre à cette exigence sur tout le réseau, le chlore demeure incontournable, surtout dans de grandes agglomérations où l’eau parcourt plusieurs dizaines de kilomètres.
Quelques régions, disposant de ressources insensibles à la contamination (nappes profondes, sites protégés), limitent parfois le recours au chlore ou le combinent avec d’autres méthodes. L’usage du chlore reste par ailleurs exigé en cas d’incidents, même sur ces réseaux « naturellement protégés ».
À savoir : si une analyse révèle la moindre suspicion de contamination, un « re-chlorage » massif est appliqué (parfois jusqu’à 1 mg/L) en urgence, le temps de purger le réseau et d’éliminer tout risque. Ces épisodes sont annoncés publiquement (voir les arrêtés préfectoraux d’eau non conforme).
Pour celles et ceux souhaitant réduire le goût de chlore au quotidien, plusieurs solutions existent, toutes simples :
Attention : un filtre mal entretenu peut vite devenir un foyer bactérien, car il neutralise justement la « protection chlore » du réseau. Respecter les instructions du fabricant et changer les cartouches dès que le délai est écoulé (typiquement tous les 1 à 3 mois selon usage et modèle) !
D’autres technologies ont été développées pour désinfecter l’eau potable : ozonation, rayonnement ultraviolet, dioxyde de chlore… Mais si elles présentent des avantages (pas d’odeur ni de goût, efficacité forte sur certains micro-organismes), leur effet n’est pas rémanent : l’eau peut se recontaminer dans le réseau.
En France, seul le chlore ou certains composés dérivés (comme l’hypochlorite ou le dioxyde de chlore) garantissent à la fois une désinfection initiale et une protection jusqu’au robinet. C’est pourquoi, même lorsque l’eau est traitée par UV ou par ozone dans certaines villes, une dose infime de chlore peut être ajoutée avant distribution.
À noter : des réseaux d’eau de source privés ou certaines installations collectives (écoles rurales, refuges…) optent parfois pour des solutions sans chlore, mais ces cas restent très minoritaires et contrôlés (source : eaufrance.fr).
Longtemps perçu comme un symbole du progrès sanitaire, le chlore reste la clé d’une eau saine dans nos habitations modernes. Si le goût ou l’odeur peuvent surprendre, ils sont le prix d’une sécurité invisible mais indispensable, bien plus douce que les maladies du passé. Mieux comprendre son rôle, ses limites et les moyens simples pour l’atténuer à la maison : voilà une première étape pour reprendre la main sur la qualité de son eau, sans crainte ni excès. Et c’est aussi une invitation à prendre soin de l’eau, de la source jusqu’à nos robinets.