Qu’appelle-t-on « eau de surface » et « eau souterraine » ?
La France dispose d’un vaste réseau hydrologique, mais toutes les eaux brutes ne se valent pas. On distingue principalement deux grandes familles :
- L’eau de surface : il s’agit des eaux prélevées dans les rivières, fleuves, lacs et retenues collinaires. Cette ressource est visible à l’œil nu, en surface du sol.
- L’eau souterraine : prélevée via des forages ou des puits, elle provient des nappes phréatiques ou parfois de nappes plus profondes. Invisible, elle réside dans les couches géologiques du sous-sol.
En France, l’eau potable distribuée est issue à deux tiers (environ 62 %) des eaux souterraines, selon Santé Publique France, le reste provenant des eaux superficielles.
Différences de formation et de renouvellement
L’eau de surface : circulante et vulnérable
L’eau de surface correspond à une fraction relativement récente du cycle de l’eau : pluie, ruissellement, fonte des neiges ou glaces viennent alimenter quotidiennement nos rivières et lacs. Leur renouvellement est rapide, parfois de l’ordre de quelques jours à quelques mois. Cette rapidité a une conséquence directe : l’eau de surface est hautement vulnérable aux pollutions ponctuelles, météorologiques ou accidentelles.
L’eau souterraine : lenteur et filtre naturel
À l’opposé, l’eau souterraine s’infiltre vers le sous-sol à travers des couches perméables (sables, graviers, craie...), jusqu’à constituer des réserves. Le renouvellement est beaucoup plus lent, pouvant aller de plusieurs années à plusieurs siècles ! L’eau met du temps à parcourir ces labyrinthes naturels, profitant au passage du filtrage minéral qui élimine une grande partie des particules en suspension et de certains contaminants.
Qualité naturelle et composition : les grandes différences
Critère |
Eau de surface |
Eau souterraine |
Clarté |
Basses à moyennes, présence de particules fréquente |
Généralement limpide, filtrée par le sol |
Température |
Variable et influencée par les saisons |
Plus stable, souvent fraîche (10-12°C) |
Minéralisation |
Souvent faible, dépend du bassin versant |
Généralement plus riche en minéraux (calcaire, magnésium…) |
Pollutions potentielles |
Pesticides, bactéries, virus, pollutions industrielles/de surface |
Nitrates, pesticides (mais atténués), radioactivité naturelle possible |
L’eau souterraine est donc le plus souvent d’une qualité brute meilleure, avec moins de matières organiques et de contaminants microbiologiques. Mais elle peut naturellement contenir du fer, du manganèse, du fluor ou de l’arsenic (dans certaines régions : attention à la réglementation).
Traitements appliqués avant distribution domestique
Eau de surface : des traitements complexes et rapprochés
Parce qu’elle est plus exposée à des pollutions variées (rejets agricoles, eaux usées, crues, etc.), l’eau de surface nécessite une chaîne de traitements généralement plus complète :
- Décantation / Floculation : élimination des particules en suspension.
- Filtration sur sable : pour retenir les particules plus fines.
- Ozonation ou charbon actif : destruction de contaminants organiques, micropolluants, substances odorantes ou goûts indésirables.
- Désinfection poussée : très souvent au chlore ou à l’ozone pour éliminer bactéries et virus (plus présents en eau de surface).
Il n’est pas rare que l’eau de surface passe par 5 à 7 étapes de traitement (Centre d’Information sur l’Eau).
Eau souterraine : traitements plus simples, mais attention à certains paramètres
L’eau souterraine, mieux protégée, nécessite souvent moins de traitements, parfois une simple désinfection et une filtration mécanique suffisent. Toutefois, certains forages présentent des taux trop élevés de fer, manganèse ou d’autres éléments naturels : des traitements spécifiques (dégazage, déferrisation, démanganisation) doivent alors être mis en place.
- Moins de risques de micro-organismes, de matières organiques ou de boues.
- Traçabilité et constance de la qualité sont en général meilleures – sauf pollution diffuse ou accidentelle.
Il arrive que des captages souterrains présentent des traces de nitrates ou pesticides après infiltration lente, nécessitant un suivi renforcé. Les normes sont contrôlées par l’ARS (Agence Régionale de Santé).
Risques et vulnérabilités propres à chaque origine
Les risques liés à l’eau de surface
- Pollution agricole ou urbaine : ruissellements lors des pluies, fertilisants, hydrocarbures, micropolluants, algues toxiques l’été (cyanobactéries).
- Difficultés en période de crue ou sécheresse : l’eau peut être fortement turbide après un orage ou se réchauffer l’été, ce qui nuit au traitement et à la désinfection.
- Risque microbiologique plus élevé : la contamination fécale (oiseaux, animaux, activités humaines) est une menace permanente.
Les risques liés à l’eau souterraine
- Pollution diffuse persistante : nitrates et pesticides finissent par s’infiltrer, même lentement, et sont alors difficiles à éliminer à grande échelle.
- Radioactivité ou métaux naturels : dans certaines régions (massif central, Bretagne…), la roche peut relarguer du radon, fluor ou arsenic naturellement présents.
- Pollutions ponctuelles longues à repérer : si une nappe est touchée, l’effet n’apparait parfois qu’après des mois ou des années.
Atouts et inconvénients selon la distribution à la maison
Origine |
Avantages pour les foyers |
Inconvénients potentiels |
Eau de surface |
- Disponibilité abondante en zone urbaine et péri-urbaine
- Approvisionnement flexible lors de sécheresse de nappes
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- Qualité plus variable selon saisons et pollutions
- Goût parfois marqué par les traitements
- Dureté et minéralisation parfois très basses
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Eau souterraine |
- Grande stabilité de qualité et de température
- Moins de goût de chlore
- Minéraux bénéfiques pour l’équilibre du corps (selon les régions)
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- Dureté parfois élevée (calcaire)
- Minéraux indésirables selon les sous-sols
- Vulnérabilité à la pollution de la nappe difficilement réversible
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Quel type d’eau coule chez vous ? Astuces pour savoir et pour s’adapter
Chaque commune décide de ses ressources selon la géographie, la population et les réserves disponibles. Certaines villes (Paris, Lyon, Lille…) mélangent eau de surface et eau souterraine pour sécuriser l’approvisionnement. La plupart des communes rurales s’appuient quasi exclusivement sur les nappes phréatiques.
- Pour connaître l’origine précise de votre eau, consultez le « rapport annuel sur la qualité de l’eau » transmis par votre mairie (obligatoire chaque année) ou rendez-vous sur le site du service-public.
- La dureté élevée (supérieure à 30 °f) pointe souvent vers une eau souterraine riche en calcaire.
- Des variations saisonnières (goût, température…) sont souvent le signe d’une source de surface ou d’un mélange.
- Les eaux de surface subissent parfois des « goûts d’algues » l’été, malgré les traitements, du fait des blooms phytoplanctoniques.
Adapter le traitement domestique de l’eau (adoucisseur, filtre charbon…) peut être utile, en particulier si vous êtes sensibles au goût ou à la dureté.
Enjeux écologiques et évolutions futures
En France, la répartition des sources évolue sous l’effet du changement climatique et de la pression humaine sur les nappes. La sécheresse de 2022 a mis en lumière la vulnérabilité croissante de certaines zones dépendantes uniquement des eaux souterraines (Ministère de la Transition écologique). Le développement des techniques de traitement permet de valoriser partiellement l’eau de surface, mais au prix de dépenses énergétiques et chimiques accrues.
- Préserver les nappes : privilégier les économies et la lutte contre la pollution diffuse est essentiel car la reconstitution naturelle est très lente.
- Sensibiliser aux bonnes pratiques : réduction de l’usage de produits chimiques au jardin, gestion raisonnée de l’eau en été.
- Diversifier les approvisionnements pour s’adapter aux nouveaux défis climatiques et démographiques.
Points-clés à retenir pour agir chez soi
- Toujours s’informer sur l’origine de son eau distribuée et sa composition – chaque logement, chaque commune a sa spécificité.
- Les traitements domestiques (adoucisseur, filtre...) doivent être adaptés à la typologie (souvent plus utile sur eau souterraine calcaire que sur eau de surface douce).
- L’eau du robinet reste l’un des aliments les plus contrôlés en France, quelle que soit son origine. Les normes sanitaires sont strictes (directive européenne 2020/2184).
- Si des odeurs, goûts ou troubles inhabituels apparaissent, contacter le service des eaux : une source temporaire différente peut être en cause, ou le réseau en maintenance.
Mieux comprendre l’origine de l’eau permet non seulement de choisir les bons équipements, mais aussi de participer à sa préservation. L’eau, qu’elle vienne de la surface ou des profondeurs, mérite d’être préservée pour garantir sa qualité aux générations futures.